La Cour des comptes rejette le pont du détroit : que se passe-t-il maintenant ?
La Cour des comptes nie la légitimité du pont du détroit, soulevant des doutes sur les coûts, l'environnement et les procédures. Le gouvernement parle d'une « invasion des juges », tandis que l'opposition appelle à l'arrêt des travaux
L'arrêt du pont sur le détroit de Messine vient de la Cour des comptes et déclenche un nouveau choc institutionnel. Les magistrats comptables ont décidé de ne pas accorder de légitimité à la résolution du Cipess, le comité interministériel pour la planification économique et le développement durable, qui a approuvé le projet final des travaux en août dernier.
Le Cipess est l'organisme gouvernemental qui évalue et finance les investissements publics stratégiques. Composée du Premier ministre et de plusieurs ministres, elle a pour mission de veiller à ce que les grands travaux respectent des critères économiques, environnementaux et de durabilité. Mais, selon la Cour, justement ce caractère « politique » soulève une question de compétence : un organisme gouvernemental peut-il certifier la légitimité d'un projet de 13,5 milliards d'euros ?
Les raisons officielles arriveront d’ici 30 jours, mais les constats sont déjà sérieux. Les juges comptables signalent des problèmes de couverture financière, d'estimations de trafic qui justifient l'investissement, de conformité du projet aux réglementations environnementales et antisismiques et de respect des règles européennes qui interdisent le doublement des coûts initiaux.
La réaction de l'exécutif a été immédiate. La Première ministre Giorgia Meloni a parlé d' »un nouvel acte d'invasion de la juridiction sur les choix du gouvernement et du Parlement ». Selon lui, les ministères ont répondu promptement à toutes les constatations, et certaines plaintes étaient « spécieuses », comme celle concernant la transmission numérique de documents. Meloni relie également le sujet à la réforme de la justice et de la Cour des comptes en discussion au Sénat, les définissant comme « la réponse à une intrusion intolérable ».
Le vice-Premier ministre et ministre de l'Infrastructure Matteo Salvini hausse le ton : « La décision porte un préjudice grave au pays et apparaît politique. C'est un projet également soutenu par l'Europe, qui apportera des emplois et du développement. Nous ne nous arrêterons pas ». Le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani s'est dit « étonné » : « Il est inacceptable que, dans une démocratie, le pouvoir judiciaire comptable décide des travaux stratégiques à réaliser ».
Mais le rejet de la Cour. La loi permet au Gouvernement, en cas de refus d'enregistrement, de demander un nouvel examen au Conseil des ministres, qui peut déclarer l'acte « d'intérêt public supérieur » et procéder quand même, même avec une « approbation conditionnelle ». Dans ce cas, cependant, la Cour rend compte de la décision au Parlement, laissant ouverte la responsabilité politique de l'exécutif.
Opposition à l'attentat : « Un coup porté à la légalité et à l'environnement »
De sévères accusations viennent de l’opposition. La secrétaire du Parti démocrate, Elly Schlein, affirme que « Meloni veut se mettre au-dessus des lois et de la Constitution ». Pour le leader du groupe PD Anthony Barbagallo, la décision de la Cour est « une gifle que le gouvernement ne peut ignorer ». Les 5 Étoiles parlent de « game over » : « Les failles économiques et environnementales sont insurmontables, arrêtez ce feuilleton inregardable », déclare le député Agostino Santillo. « Salvini démissionne », a tweeté Angelo Bonelli, député AVS.
*UNE GRANDE VICTOIRE*
La Cour des comptes considère comme illégitime la résolution du CIPESS sur le pont sur le détroit de Messine. La justice et le droit gagnent.
Salvini démissionne pic.twitter.com/7ytKXdeeyA-Angelo Bonelli (@AngeloBonelli1) 29 octobre 2025
De son côté, Pietro Ciucci, PDG de l'entreprise « Stretto di Messina », défend le processus : « Tout s'est déroulé dans le plein respect des réglementations italiennes et européennes. Nous attendons les raisons. »
Que se passe-t-il maintenant
Dans les prochains jours, la Cour fera connaître les raisons complètes du rejet. Le gouvernement pourra alors choisir de modifier la résolution contestée ou de demander au Conseil des ministres de procéder quand même, en invoquant l'intérêt public. Dans ce cas, la Cour des comptes pourra donner un « agrément conditionnel », en rendant compte de la décision au Parlement.
Le projet n'est pas formellement bloqué, mais entre dans une phase politiquement délicate : chaque avancée devra être justifiée comme un choix d'intérêt général, en assumant l'entière responsabilité devant le pays et le Parlement.
