La dure vie des éléphants d’Afrique : le conflit avec les humains dépasse le braconnage comme principale menace
L'expansion des routes, des voies ferrées et des établissements humains bloque les anciennes routes de migration des éléphants, créant des affrontements meurtriers entre les pachydermes et les humains. Dans le nord du Kenya, des villages comme Oldonyiro sont au centre des couloirs de migration, avec des conséquences dramatiques pour les communautés locales. Certaines solutions innovantes contribuent à réduire les affrontements, permettant une coexistence plus pacifique
Les anciennes routes migratoires des éléphants d’Afrique, suivies depuis des millénaires, deviennent de plus en plus impraticables. Les routes, les voies ferrées, les clôtures électriques et la croissance des établissements humains entravent le passage de ces mammifères géants, bloquant leur accès à la nourriture et à l’eau.
Le phénomène prend des proportions inquiétantes sur tout le continent africain. Comme le rapporte le journal anglais The Guardian, ces dernières années, le conflit entre les humains et les éléphants a dépassé le braconnage comme principale menace pour les pachydermes, en particulier dans le nord du Kenya. Un tournant important si l’on considère qu’il y a quelques années encore, le braconnage représentait la menace numéro un.
L'effondrement du marché de l'ivoire
L'interdiction du commerce de l'ivoire par la Chine depuis 2018 a entraîné un effondrement des prix de l'ivoire et une forte baisse du braconnage. En 2011, au plus fort du braconnage, plus de 30 000 éléphants ont été tués chaque année pour leurs défenses. Aujourd’hui, les scientifiques estiment que moins de la moitié de ce nombre est tué par des braconniers.
Toutefois, la situation globale reste critique. Il reste environ 415 000 éléphants d’Afrique à l’état sauvage, et les deux espèces africaines sont classées comme en voie de disparition après l’effondrement de leur population au cours des dernières décennies. Le sort des éléphants de forêt d’Afrique est particulièrement dramatique, dont la population a diminué de 86 % en trente ans.
Des infrastructures qui divisent
La région de Tsavo au Kenya, qui abrite 17 000 éléphants, en est un bon exemple. Deux rangées de pylônes traversent le terrain adjacent à l'autoroute Mombasa-Nairobi, tandis que la voie ferrée SGR, construite en Chine, coupe la zone en deux. Les écologistes craignent qu'un prolongement à quatre voies de l'autoroute proposée puisse bloquer définitivement les routes de migration.
Une coexistence difficile
À Oldonyiro, un village d'environ 3 000 habitants au nord du Kenya, vivre avec des éléphants est devenu dangereux. La colonie se trouve au centre d'un passage clé pour des centaines d'éléphants de savane africaine, qui traversent un couloir entre des collines escarpées et se déplacent entre des zones d'alimentation saisonnières.
Les affrontements sont fréquents et dramatiques. En août dernier, Sarolie Louwapere, une jeune fille de Samburu âgée de 19 ans, a été attaquée par un éléphant mâle alors qu'elle faisait paître les chèvres de la famille. L'animal l'a frappé sur le côté, lui cassant la jambe. Dans toute l’Afrique subsaharienne, le nombre de décès liés à ces conflits a fortement augmenté, avec des dizaines de personnes tuées ou blessées, déclenchant des meurtres en représailles.
Des solutions innovantes
Malgré les défis, certaines communautés trouvent des moyens créatifs de coexister avec les pachydermes. La chercheuse de Save the Elephants, le Dr Lucy King, a capitalisé sur la peur naturelle des éléphants à l'égard des abeilles en promouvant l'utilisation de clôtures de ruches pour réduire les bagarres. Ces clôtures sont constituées de ruches accrochées entre des poteaux entourant les champs cultivés.
Une étude de 2024, publiée dans The Society for Conservation Biology, a révélé que les clôtures de ruches peuvent réduire les incursions de cultures jusqu'à 86 % pendant la haute saison, lorsque les précipitations sont bonnes. Les abeilles offrent également des avantages supplémentaires : elles pollinisent les cultures et permettent aux agriculteurs de gagner de l’argent grâce à la vente de miel. D'autres méthodes incluent des boules de poivre, des fossés, des gardes de nuit et des pétards.
Ces systèmes ont cependant des limites : les insectes sont sensibles à la sécheresse et sont moins efficaces en cas de météo imprévisible. Le défi reste de trouver un équilibre durable entre les besoins des communautés humaines et la survie de ces animaux majestueux, dont la présence continue de façonner les écosystèmes africains.
Sources : Société pour la biologie de la conservation / The Guardian
